Le château de La Roche-Jagu en Ploëzal

Tel un aigle observant une proie, La Roche-Jagu se dresse sur la falaise dominant une courbe du Trieux.

château de La Roche-Jagu en Ploëzal

Flanqué de deux tours, l'une en façade et l'autre accrochée à l'angle du pignon surplombant l'estuaire, il fait face au visiteur venant par les terres. Pour y parvenir, le randonneur aura suivi le sentier qui le remonte sur la rive droite, passant par le Rocher Argenté d'où il aura découvert une large portion de la vallée. Il aborde cette vaste demeure en débouchant sur un escalier métallique placé là tant l'érosion et le passage humain en avaient usé l'assise.

C'est au pied d'un contrefort massif paraissant inachevé, percé d'une étroite fenêtre, accolé à une tour à mâchicoulis ornant l'angle nord-est du château, que vous déboucherez sur l'esplanade herbeuse ouverte sur une entrée monumentale.

contrefort du château de La Roche-Jagu en Ploëzal

De part et d'autre, de larges sentiers bordés d'une végétation toute en couleurs à la belle saison mènent de la porte des remparts au porche d'entrée d'un édifice défendu par une lourde grille de fer. Cette entrée d'inspiration gothique tranche sur une architecture d'ensemble où dominent les angles droits formés non seulement par les murs mais aussi par les fenêtres donnant sur la cour d'entrée. Avant d'arriver là, vous aurez peut-être découvert un petit masque naïf sculpté dans un bloc de granit gris enchâssé dans l'angle formé par le pignon est et le contrefort de la tour qui s'y accroche. L'arrière du château se caractérise par de hauts murs partiellement brisés en leur sommet par un encorbellement au niveau d'un chemin de ronde couvert, permettant de guetter aisément la vallée du Trieux et d'éventuels assaillants. Dans le prolongement de celui-ci, une partie de la façade arrière, prolongée elle aussi d'un arrondi de tourelle à mâchicoulis, est constituée d'un mur à pan de bois tranchant sur la froideur du granit dont il forme le rehaussement.

La tour de la façade avant possède les mêmes caractéristiques, s'imbriquant presque totalement dans les hauts murs et une toiture coiffée de dix-neuf cheminées octogonales de style gothique flamboyant, ornées de multiples couronnes scultptées.

cheminées du château de La Roche-Jagu en Ploëzal

L'architecture austère du château de La Roche-Jagu, quelque peu tempérée par ces particularités, trouve son origine au début du 15ème siècle. Il avait deux vocations : il était tout à la fois une résidence de prestige et un ouvrage défensif. Il ne fut toutefois pas le premier à s'asseoir sur les rochers dominant une courbe du Trieux. Cette spécificité fera de l'endroit, depuis bien longtemps déjà, un site idéal pour observer le trafic maritime entrant loin dans les terres mais aussi une place-forte plus facilement défendable.

Il est fort probable que, déjà bien avant l'ère dite chrétienne, quelques lointains ancêtres s'installèrent ici. Le territoire de Ploëzel recèlant par ailleurs les vestiges d'un tumulus datant de l'âge du bronze au lieu-dit Tossen-Ribourden, leurs contemporains furent sans doute attirés par la situation avantageuse d'un tel poste d'observation. Aucune trace d'une telle occupation ne fut toutefois jamais découverte en ces lieux ...

La première citadelle connue y fut érigée au 11ème siècle, par une famille dont le nom sera toujours attaché à ce domaine. Elle s'éteindra à la fin du 14ème siècle, transférant de fait la propriété au domaine ducal dépendant de Jean IV de Montfort. Le fort deviendra alors le siège d'une garnison puis sera entièrement détruit au début du 15ème siècle.

château de La Roche-Jagu en Ploëzal

Catherine de Troguindy deviendra propriétaire de ces terres et entreprendra la construction du château actuel, à partir de 1405. Cette nouvelle forteresse ayant l'heurt de déplaire à Marguerite de Clisson qui présidait alors aux destinées d'un autre château, celui de Châteaulin-sur-Trieux situé en amont sur les terres de Pontrieux, elle fera emprisonner les ouvriers du chantier en 1407 ! Il faudra l'intervention du duc de Bretagne pour mettre fin à ce conflit et autoriser enfin le parachèvement du château de La Roche-Jagu peu avant le décès de Catherine de Troguindy, en 1418. Achevé en 1420, le château et son domaine passeront ensuite successivement dans les mains de diverses familles (Du Parc, Kersaliou, Treal, Kerimel, Penhoët, Coëtmen, Acigné, Plessis-Richelieu et de Fronsac, de Tressan), jusqu'à la Révolution. Au 18ème siècle, le duc de Richelieu y fera creuser plusieurs souterrains mais les aura fait combler avant de céder la forteresse au conseiller Le Gonidec de Tressan. Jusqu'alors, les divers propriétaires des lieux avaient pouvoir de haute, moyenne et basse justice, régnant sur un vaste territoire où les fermages leur assuraient de bons revenus. Les derniers propriétaires privés seront issus de la famille d'Alès, à partir de 1899. Son ultime châtelain, le vicomte d'Alès, ne pouvant faire face aux restaurations qu'impliquaient, dès 1930, le classement du château à l'inventaire des monuments historiques, en fera don au département par un acte dressé le 9 avril 1958. Cette date marquera le début d'une rénovation complète du domaine et de sa pièce maîtresse ainsi que la mise en valeur des jardins, pièces d'eau et cultures en terrasses descendant jusqu'aux berges du Trieux.

Aujourd'hui, l'ancienne conciergerie et les annexes ont été transformées en lieux de réception, restauration et rafraîchissement, percés dans le rempart ouest par un porche menant aux jardins.

le Trieux vu du château de La Roche-Jagu en Ploëzal

En parcourant ces étendues de verdure se développant aujourd'hui sur une soixantaine d'hectares, rehaussées depuis 1995 par la plantation d'une palmeraie, vous aboutirez à la cale privée de La Roche-Jagu. Autrefois fréquentée par les bateaux pratiquant le cabotage en remontant de la mer jusqu'a Pontrieux, ce port minuscule permettait le chargement des fils de lin et de chanvre extraits des cultures pratiquées sur les plateaux. De cette activité subsistent encore, à l'est du domaine, les quelques bassins de rouissage désormais transformés en jardin aquatique. De nos jours, la cale est fréquentée par quelques bateaux de plaisance et, lorsque la marée le permet, la vedette de l'Arcouest y fait escale pour un moment, le temps d'une visite de La Roche-Jagu, déversant son flot de visiteurs curieux d'un site chargé d'une longue histoire.

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